La médina de Sousse

La médina de Sousse, son fort – le Ribat –, sa Grande Mosquée, sa Kasbah, ses remparts forment un ensemble exceptionnel de monuments à la beauté austère, puissamment évocateur du passé de cette place forte médiévale.

 Elle est inscrite sur la Liste du Patrimoine Mondial de l'Humanité de l'Unesco.




Dominée par une haute tour couleur de parchemin, enserrée dans une puissante muraille crénelée, la médina de Sousse s’égrène en pente douce vers la mer.

Un ensemble saisissant qui a inspiré à Maupassant cette vision : « Mais je l’ai vue, cette ville ! Oui, oui. J’ai eu cette vision lumineuse autrefois dans ma toute jeune vie, au collège, quand j’apprenais l’histoire des croisades dans l’Histoire de France de Burette. (…) Oh ! cette muraille, c’est bien celle dessinée dans le livre à images, si régulière et si propre qu’on la dirait en carton découpé… ».

Avant-poste de Kairouan, la première capitale du Maghreb

Héritière d’une grande ville antique du nom d’Hadrumète, la Sousse musulmane fut d’abord un petit avant-poste de Kairouan, la première capitale du Maghreb. Au VIIIe siècle, en effet, y fut implanté un ribat, une communauté d’ascètes vouée à la surveillance du littoral en même temps qu’à la propagation de la doctrine religieuse.

Car le jeune émirat aghlabide faisait face à deux périls : la puissance maritime des Byzantins et l’apparition de doctrines subversives.

A l'origine de Sousse, le Ribat

Pour abriter leur communauté et pour protéger la population qui les rejoignit peu à peu, ces hommes de foi disposaient d’un fortin muni d’une haute tour-vigie. C’est cet édifice qui est connu aujourd’hui sous le nom de Ribat.

Lieu d’étude et de recueillement, il fut aussi un des centres où se développa l’islam mystique.

Ce Ribat a été conservé intact. Erigé face à la mer, il est très semblable aux petits châteaux orientaux qui s’édifiaient au même moment en Syrie : une enceinte flanquée de tours rondes, une cour carrée bordée de cellules pour les vivres et les voyageurs de passage ; et à l’étage, les cellules des ascètes et une salle de prière. Cette dernière, d’une grande sobriété, est la plus ancienne d’Afrique restée dans son état originel.
Quant à la tour-vigie, haute tour cylindrique comme les minarets abbassides, elle permettait de communiquer par signaux lumineux avec la longue chaîne de ribats qui se constituait alors tout au long de la côte africaine. Grâce à eux, selon la tradition, un message pouvait être transmis en une seule nuit d’Alexandrie à Ceuta.

Base navale aghlabide

Au IXe siècle, le petit village de dévots avait pris de l’importance jusqu’à devenir la principale base navale de la capitale aghlabide. C’est elle qui fut le point de départ de l’expédition pour la conquête de la Sicile, puis pour d’autres dirigées contre l’Italie et les îles voisines.

De cette époque datent certains des éléments les plus marquants de la médina d’aujourd’hui : les remparts, la tour Khalef et la Grande mosquée.
Les remparts, remarquablement bien conservés, étaient entièrement construits en pierre de taille. La seconde, à l’allure de phare romain et édifiée sur une colline, a pris le relais de la tour du Ribat qu’elle dépassait de 50 mètres. Elle domine toute la médina, intégrée à présent dans une forteresse, la Kasbah, édifiée aux siècles suivants.

C’est sous sa cour qu’a été réaménagé récemment le superbe musée archéologique de la ville.

La Grande mosquée, quant à elle, surprend par son aspect militaire. Voisine de l’arsenal, elle était une véritable forteresse autant qu’un lieu de culte avec sa muraille crénelée, ses grosses tours d’angle qui pouvaient accueillir des machines de guerre. L’une de celles-ci, surmontée d’une coupole, faisait office de minaret – car la mosquée en était dépourvue. A l’intérieur, c’est encore l’austérité qui frappe. La salle de prière, toute en pierre de taille, est d’une grande simplicité, rythmée par des piliers courts et massifs qui soutiennent de larges arcs outrepassés.

Architecture fatimide

Sousse a conservé aussi de fort intéressants témoignages architecturaux de l’époque suivante : celle du califat fatimide, né en Tunisie au Xe siècle avant de s’établir en Egypte, laissant régner en Tunisie leurs vassaux, les Zirides.

Un des éléments décoratifs caractéristiques de cette période est la juxtaposition de multiples niches, parfois accompagnées de rosaces ou soulignées par des arcs concentriques. 

On trouve un tel décor dans la Grande mosquée de Sousse, en ornementation du mihrab (niche indiquant la direction de la prière), ainsi que sur les façades de plusieurs édifices comme la mosquée Sidi Ali Ammar et la Koubba Bin el-K’haoui


Ça et là, à travers la médina, surgissent d’autres architectures remontant au haut Moyen Age : mosquées, façades de maisons… Même dans des édifices moins anciens – mausolée, tribunal, minarets – on est frappé par la sobriété des décors sculptés qui mettent en valeur la beauté de la pierre, parfois soulignés par une frise de céramique ou un décor en damier.

Un ensemble exceptionnel de monuments à la beauté austère, puissamment évocateur du passé de cette place forte médiévale.




Centres d’intérêt :

Un des monuments les plus curieux de Sousse est la Koubba Bin el-K’haoui, énorme dôme recouvert de sillons en zigzags. Il s’agirait de la coupole d’un ancien hammam datant du XIe-XIIe s. Sa façade ornée de niches est typique de l’architecture fatimido-ziride. L’édifice avait été transformé en café à l’époque ottomane.

Le Ribat est une forteresse carrée d’une quarantaine de mètres de côté, construite vers la fin du VIIIe siècle, doté de nombreux aménagements défensifs : tour-vigie, merlons, assommoirs surplombant le porche d’entrée, meurtrières inscrites dans le mur de la salle de prière… Son architecture est proche des modèles orientaux.

La médina a conservé son tracé traditionnel de ruelles sinueuses et d’impasses étroites. Dominée par la Kasbah et la tour Khalef, dotée de remparts et de monuments robustes et austères, elle est représentative de l’architecture militaire et religieuse des premiers siècles de l’islam en Tunisie.

Construite entièrement en pierre de taille, la muraille de Sousse se distinguait des murailles de brique crue de Kairouan et Tunis à la même époque. Certaines parties sont renforcées par deux rangées de voûtains superposés qui en augmentent l’élasticité et la résistance ; un procédé déjà utilisé par les Puniques. 



Avec sa salle de prière plus large que profonde, simplement rythmée par des arcades régulières et bordée d’une grande cour rectangulaire, la Grande mosquée de Sousse correspond au prototype qui se répandra et se développera dans tout l’Occident musulman.

Cette salle datant du IXe siècle a été agrandie au XIe siècle. La cour est bordée sur trois côtés par un portique. Une longue inscription coufique y mentionne le nom d’un esclave affranchi qui dirigea les travaux de construction. L’aspect robuste de l’architecture s’explique par la proximité de la mer, source de menaces.

© G. Mansour, “Tunisie, patrimoine universel”, Dad Editions, 2016


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