Une promenade à travers la campagne de Djerba à la découverte des mosquées et de leurs secrets… De ravissantes mosquées blanches, qui ont parfois plus de mille ans, et qui racontent une histoire et une culture uniques. Pour mieux comprendre cette île inscrite en 2023 au Patrimoine mondial de l’UNESCO.
L’un d’eux, Sidi Ismaïl (déformé en Smaïn) a deux mosquées à son nom qui se font face. En effet, une seconde, plus grande, a été construite ultérieurement de l’autre côté de la route. C’est elle qui accueille aujourd’hui la prière.
Quant à la mosquée historique, c’est un modeste édifice sans minaret posé au bord des vagues.
Sur son mur, on peut voir de grandes lettres arabes calligraphiées : c’est le logo de l’Association des architectes de Djerba qui y a récemment établi son siège.
De part et d’autre de la porte d’entrée, deux formes saillantes, arrondies : ce sont les faces visibles de l’extérieur des deux mihrab, ou niches indiquant la direction de la prière. L’une se trouve à l’intérieur de la mosquée, l’autre dans une galerie ouverte adjacente.
Car la plupart des mosquées de Djerba, parfaitement adaptées au climat, possédaient un espace extérieur pour prier les soirs d’été, quand la température intérieure était insupportable.
Depuis la mosquée Sidi Smaïn, des pistes s’enfoncent dans la campagne djerbienne, entre de hauts talus couronnés de cactus.
Une petite marche d’une demi-heure, ponctuée de bouquets de palmiers et d’oliviers centenaires, conduit au hameau de Fatou. Là se trouve la mosquée Tajdit avec son minaret blanc coiffé d’un lanterneau et entouré de solides contreforts, se dressant comme une pyramide devant les vieux oliviers.
Elle aurait été fondée au 9ème siècle.
Emouvante par la pureté de ses formes, cette mosquée-ci avait jadis une fonction franchement guerrière. Son minaret était d’abord une tour de guet et une tour à feu : de son sommet, on envoyait des signaux lumineux pour alerter les alentours.
Bien visibles au-dessus des deux portes de la salle de prière, on aperçoit des sortes de balcons : en réalité, des mâchicoulis. Car en cas de danger, la population venait s’abriter à l’intérieur : les envahisseurs étaient repoussés à coup de pierres ou d’huile bouillante.
En plus des mâchicoulis, on distingue encore les anciennes meurtrières percées dans le parapet du toit-terrasse.
Un détail insolite par rapport aux mosquées classiques : à droite de la porte d’entrée se trouvent quelques marches d’escalier qui ne débouchent sur rien. Erreur des architectes ? Nullement. C’est que dans l’ancienne tradition djerbienne, le muezzin ne montait pas au sommet d’un minaret pour appeler à la prière, mais sur ce petit escalier.
Cette tradition est celle d’un mouvement religieux très populaire dans le monde berbère aux premiers temps de l’islam : l’Ibadisme. Presque disparu aujourd’hui, il a survécu à Djerba. De nombreuses mosquées en portent témoignage.
Les Ibadites étaient très attachés aux valeurs de sobriété et d’égalité. Comment ne pas reconnaître ces valeurs dans leur architecture ?
Enserrant la salle de prière, les multiples voûtes et coupoles de l’école coranique et de ses dépendances expriment aussi cet idéal d’harmonie dans la simplicité.
La mosquée Tajdit, avec d’autres “mosquées-forteresses” semblables, formait la seconde ligne de défense de Djerba, parallèle à celle du littoral. Une des plus importantes se trouve dans le hameau de Ghizen, à quelques kilomètres plus à l’est : la mosquée Tlakine.
Même silhouette caractéristique, mêmes murs robustes renforcés de contreforts. Même minaret coiffé d’un lanterneau et même mâchicoulis au-dessus de la porte d’entrée.
La mosquée Tlakine, construite en 1205, occupait un point clé du dispositif : elle est située au nord-est de l’île, zone la plus exposée aux menaces venues de la mer.
A l’intérieur des terres, les mosquées n’ont plus cette vocation militaire. Certaines, très simples, se limitent à une salle carrée couverte de petites coupoles, rattachée aux différentes maisons par un réseau de pistes.
Quelques-unes, au contraire, sont de grands complexes au rayonnement plus large.
Depuis la mosquée Tajdit, une marche d’une demi-heure vers le sud conduit à l’une de celles-ci : Jemaâ El Bessi.
Isolée en pleins champs dans le quartier de Oualegh, au bout d’une piste sablonneuse, la mosquée El Bessi était un véritable centre d’érudition. Elle possédait une école, d’obédience ibadite, qui attirait des étudiants du continent.
Son architecture se distingue par une certaine recherche. Le minaret, couronné par un balcon circulaire puis un sommet conique, trahit une influence ottomane : les frères Bessi, ses fondateurs, étaient de riches Djerbiens établis à Istanbul au 18ème siècle.
La galerie extérieure pour la prière d’été compte deux rangées d’arcades avec chapiteaux et arc outrepassés. L’intérieur de la salle de prière est orné de colonnettes, calligraphie et motifs sculptés.
Tout autour sont disposés la bibliothèque, l’école coranique, les chambres des étudiants et diverses dépendances.
Une plaque de marbre, conservée dans la mosquée, porte toutes les règles d’organisation instituées par les fondateurs : depuis l’utilisation des revenus de la mosquée jusqu’à la rémunération de l’imam.
Sidi Smaïn, Tajdit, Tlakine, El Bessi : ces quatre mosquées figurent parmi les 24 monuments et 7 zones qui ont été retenus par l’UNESCO pour inscrire Djerba au Patrimoine Mondial de l’Humanité. Car elles sont très représentatives de cette histoire singulière, de ces particularités culturelles et religieuses qui font l’identité unique de l’île.
Djerba au Patrimoine mondial de l’UNESCO
Que voir, que faire à Djerba et sa région ?