La gastronomie de Djerba est peu connue. Et pourtant l’île du Sud tunisien se découvre aussi par sa cuisine : ingénieuse, savoureuse, saine et ancrée dans la tradition.
Peu de cuisines traditionnelles accordent autant de place à la cuisson à la vapeur. A Djerba, le couscoussier ne sert pas seulement à cuire le couscous. On y cuit aussi la viande. Celle-ci, disposée dans la partie supérieure du couscoussier, enrobée d’épices, de condiments, de concentré de tomate et d’huile d’olive, s’attendrit doucement à la vapeur pour accompagner, par exemple, un plat de pâtes.
Les Djerbiens ont même inventé un couscoussier appelé “bourouhine”, à deux âmes, qui comporte deux niveaux de trous. Il permet de cuire en même temps deux préparations superposées. C’est de cette façon qu’on prépare le couscous au poisson à Djerba : la vapeur de la sauce en ébullition traverse à la fois les morceaux de poisson et la semoule placée au-dessus.
Dans d’autres recettes, on mélange la semoule avec tous les ingrédients et on place le tout en haut du couscoussier, au-dessus de l’eau bouillante. On obtient ainsi un délicieux plat traditionnel, le “masfouf daguen soudi”. On peut faire de même avec du riz : c’est le “riz djerbien”, un plat plus récent devenu emblématique de la cuisine de Djerba.
Herbes et condiments
Les Djerbiens d’autrefois ne connaissaient pas l’abondance mais faisaient preuve d’ingéniosité pour accommoder leurs plats. On trouve dans leur cuisine une grande variété d’herbes et de légumes à feuilles : épinards, vert de fenouil, feuilles de blettes, menthe, ciboulette, persil, aneth… S’y ajoute une plante peu connue appelée “yazoul”. Une herbe au goût subtil, qu’on ramasse au début de l’hiver au pied des oliviers et qui ressemble à l’ail des ours.
Et pour relever le goût des plats, place au “qadid” et au “ouzef” ! Le premier est tiré de la viande d’agneau de l’Aïd, le second d’un petit poisson pêché en été ; tous deux, salés et séchés à l’air libre, servent à agrémenter les plats tout au long de l’année. Ajoutons les raisins noirs séchés qui accompagnent certains plats de fête.
“Cuisine pauvre” et cuisine de fête
Les Italiens du Sud sont attachés à leur “cucina povera”. A Djerba aussi, il y a de quoi être étonné quand on voit le parti qu’on peut tirer des ingrédients les plus simples. Les mille façons d’accommoder le trio tomate-poivron-oignon. Les panades et farines bouillies, parfumées d’une sauce épicée. Sans oublier la fameuse “zommita” qui était la base de l’alimentation d’autrefois : une farine d’orge grillée mélangée avec des épices choisies, et simplement diluée avec un peu d’eau et d’huile d’olive. Sa version sucrée est la “bsissa”, à base de farine de blé ou parfois de lentilles.
Mais il arrive aussi souvent, à Djerba, qu’on mette les petits plats dans les grands. Naissances, mariages, fêtes religieuses sont l’occasion de grands rassemblements familiaux autour de la cuisine. Le roi couscous y trône bien sûr en bonne place. Mais on apprécie aussi un plat typiquement djerbien, le “yahni”, viande ou poulpe mijoté dans une sauce au potiron.
A côté de ces plats ancrés dans l’histoire de l’île, il existe des plats venus d’horizons divers, souvent introduits par la communauté juive installée à Djerba depuis des millénaires : les “banadaj”, des croquettes de pommes de terre dérivées des “empanadas” espagnoles, le “poisson hraymi” qui est aussi une recette libyenne, ou la “bkaïla”, ragoût de pied de bœuf aux blettes longuement mijotées, un plat emblématique de la cuisine judéo-tunisienne.
Un livre de cuisine de Djerba
Toutes ces recettes et bien d’autres sont expliquées dans “Djerba, l’île aux saveurs”, un nouveau livre de cuisine qui est une invitation à découvrir le patrimoine culinaire djerbien.
Au fil des pages, vous partirez à la rencontre des pêcheurs de l’île, des échoppes de street-food du quartier juif et de l’univers du “menzel”, domaine familial entre champ d’oliviers et petit jardin d’arbres fruitiers, où se prépare la mystérieuse alchimie des herbes et des épices…
“Djerba, l’île aux saveurs”, édité par le Destination Management Organisation (DMO) de Djerba avec le concours de MCM-dad éditions.
(Photos : DMO Djerba)
Guillemette Mansour